A peine le pied posé à Port Vila aux Vanuatu, je m'envole pour une autre île, Espiritu Santo. Sur place, l'attraction principale se nomme SS President Coolidge, la plus grande épave plongeable au monde. Des dimensions hors-normes alliées aux effets planant de la narcose sont les ingrédients de ce cocktail sous-marin que je me suis injecté pendant une semaine. Excepté l'amateur pur et dur de récif corallien, l'épave du Coolidge comble le moindre plongeur avide d'exploration subaquatique. Pour la petite histoire, le SS Coolidge fut un paquebot de luxe au même titre que le Normandie ou le Queen Mary et opérait dans l'océan Pacifique en reliant San Francisco, son port d'attache, aux Philippines, au Japon et à Hawaï. Lorsque les japonais attaquèrent Pearl Harbour, le bâtiment fut réquisitionné pour être transformé en un transporteur de troupes. Au cours d'une mission, alors qu'il devait acheminer un régiment de 5000 soldats, il heurte une mine et sombre près du rivage de l'île Espiritu Santo aux Nouvelles Hébrides (ancien nom de Vanuatu).
Plusieurs décennies plus tard, à l'époque où la plongée se faisait sans ordinateur, sans jauge de profondeur et sans torche, Allan Power explora l'épave et ne la quittera jamais. Mieux que quiconque, il connaît ce navire. Chaque recoin, chaque assiette en porcelaine de la cuisine et chaque reste de véhicules éventrés dans la cale. A l'issue d'une plongée il nous racontera quelques anecdotes sur « son bateau » ; comment il a découvert la Lady, la récupération des pales d'hélices pour être revendues au Japon, les différentes armes qu'on peut ou pouvait trouver à bord.
De la poupe qui repose sur le fond sablonneux à la proue qui pointe vers la plage, l'ancien navire s'étend sur son côté bâbord. Mes différentes explorations m'emmèneront dans les dédales de ses entrailles. Tantôt perdu dans l'obscurité totale et tantôt nageant en trois dimensions entre les épontilles du pont supérieur. Chaque plongée est un régal avec le même rituel, départ depuis la plage, on suit la corde jusqu'à la proue de l'épave. On choisit une ouverture et la visite guidée commence. Un jour on palme jusqu'à la Lady, une icône en porcelaine qui repose sur son cheval blanc, et un autre on se détend sur le pont promenade où des puits de lumière azur jaillissent par toutes les failles et hublots. Couloir immense sur un pont, et précieux détails de la vie quotidienne des passagers sur un autre, le Coolidge regorge de secrets.
Une autre fois, coulée dans le grand bleu jusqu'à 50m, narcosés, nous descendons encore plus profond pour observer les canons de 3 et 5 pouces avant d'enchaîner avec l'étambot du bateau, ses 2 lignes d'arbres, un gouvernail et l'inscription en demi-cercle de President Coolidge sur la poupe. On longe ensuite le flanc. Une partie est éventrée, c'est à cet endroit que la mine a percuté le navire et a causé sa perte. A quelques mètres, au cœur du paquebot, des lavabos en porcelaine, de la vaisselle, des casques lourds, des masques à gaz, une machine à écrire s'affichent comme autant de témoins d'une vie passée brusquement figée. Les coursives dévoilent les proportions démesurés du navire et de maigres interstices laissent passer quelques rayons de lumière qui nous montre la voie et délimite une aquarelle bleutée dans le monde du silence. Dans les coins les plus sombres, des poissons phosphorescents clignotent. On se glisse dans de petits failles pour changer de ponts et s'émerveiller à nouveau face à cette cathédrale d'acier taillée dans les superstructures du paquebot.
Une autre fois encore, on se rend au Saloon où des bouteilles en verre de coca-cola trônent à côté de la fontaine à soda. A quelques coups de palmes, l'inscription indique « Doctor ». Sur son bureau trainent tube à essai, fiole contenant du fil à suturer, seringue en verre.
Chaque nouvelle plongée est unique, enivrante, mystique et nous apprend comment nous égarer dans cette gigantesque épave. Impossible de se rappeler le chemin parcouru, la seule sensation d'être perdu dans le labyrinthe de ses compartiments suffit à nous ravir. Après 10 plongées, l'envie de se perdre dans les méandres de ses superstructures me démange toujours.

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Et pour passer le temps des longues décompressions dépassant la demi-heure, Allan Power a concocté un jardin sous-marin fait de coraux, d'anémones et de sa faune. Chaque jour, il plonge pour s'adonner à cette passion pour le moins particulière en déplaçant ou époussetant les coraux. Pour nous, le temps semble filer plus vite devant ces poissons-clown et crabes-porcelaine, en attendant patiemment d'éliminer notre surplus d'azote et de nous remettre des émotions vécus dans les coursives du Coolidge.

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