Il est des voyages qui marquent ceux qui les vivent, il est des voyages qu'on aimerait qu'ils durent et pour lesquels le mot "fin" arrive trop vite, il est des voyages qui vous confortent dans l'envie de découvrir le monde et de rencontrer les gens qui le composent ; le périple en transsibérien est forgé dans cet acier-là. J'écris ces quelques mots pour vous le faire partager et surtout m'y replonger.
77 heures de train, une trentaine d'arrêts d'à peine quelques minutes, 5185 kilomètres parcourus, quelques villes aux sonorités russes telles que Iekaterinbourg, Omsk, Novossibirsk, Krasnoïarsk, Irkoutsk. Tous ces arguments feraient pâle figure sur une brochure touristique et ne feraient pas vraiment rêver le voyageur adepte de lieux exotiques. C'est pourtant bien sur ce train que j'embarque le 18 juin à 23h25, voie 3, wagon 7, couchette n°17.

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Sur le quai, je cherche quelques routards étrangers pour faire un brin de causette, je tombe sur Tom et Mark, 2 cousins hollandais partis pour 10 mois loin du vieux continent. En vérifiant nos billets, on s'aperçoit qu'on est dans le même wagon, voilà une bonne nouvelle. On charge nos sacs sur les épaules et on s'approche de l'entrée de notre wagon. Plusieurs personnes attendent que la contrôleuse autorise l'accès au train. En scrutant les visages, on s'aperçoit que les trois quarts des voyageurs de ce wagon sont européens. A nous trois, il faut ajouter, Henrik et Valérie, frère et soeur hollandais partis s'oxygéner 6 semaines, 2 finlandaises, 2 suédois Gustav et Jonas, Hugh s'éloignant pour quelques mois de son île britannique et Beckie, intrépide anglaise qui après la découverte de l'Asie orientale rentrera par la route de la soie en traversant le Pakistan et l'Iran.
A l'inverse d'un voyage classique en avion ou en train où chacun reste dans son coin à lire, à écouter de la musique ou à dormir, on sait qu'on va passer un bon bout de temps ensemble. La timidité est rangée au fond du sac, et chacun fait connaissance des autres. Pour ma part, j'ai soif de parler après ma semaine silencieuse passée entre Saint-Pétersbourg et Moscou.
Chaque compartiment est composé de 4 couchettes dans ce wagon de 2nde classe. Je partage le mien avec une russe, les 2 couchettes du haut resteront vides tout le trajet. La communication est vite limitée puisqu'elle ne parle ni anglais, ni français et que je ne parle pas russe. Je passe beaucoup de temps avec mes nouveaux compagnons et les sujets de discussion ne manquent pas. On refait l'Europe et le monde, on compare nos différentes coutumes et nos itinéraires, on expose nos différentes expériences de voyage, on discute de beaucoup de sujets comme si on était de vieux amis et on se prend quelques bons fou rire.
On compte les heures qui nous séparent du prochain arrêt en répétant sans cesse à Nathalia, notre reponsable de wagon : "zdyess Irkoutsk?" ( "ça y est, on arrive à Irkoutsk ?" ). Elle répond invariablement "Nyet". Sur le quai, des vendeurs ambulants s'agitent à notre descente du train. Ils nous proposent des plats préparés, des fruits, des sucreries et la concurrence est rude entre eux. Quelques échoppes complètent le tableau de la gare avec un choix plus étoffé d'aliments, nouilles chinoises instantanées, chocolat, yaourts, gateaux secs. Les nouilles remportent un franc succès et constitue le repas de base de notre voyage.

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Hormis se laver car il n'y a pas de douches dans les wagons, on "vit" dans le transsibérien et il serait dommage de s'en priver quand on sait qu'on peut embarquer pour 7 jours (149h) dans ce type de train afin de relier Moscou à Vladivostok sur les berges de la mer du Japon. Avec ses 9289km, voici la plus longue voie ferrée du monde.
Sa naissance remonte à 1891 lorsque Alexandre III approuva l'idée d'une ligne transsibérienne permettant de désenclaver un certain nombre de régions et relier le lointain orient à l'occident. Les travaux furent découpés en 7 secteurs et commencèrent simultanément. En échange de travaux colossaux, les premières liaisons furent mises en service en 1900. Le transsibérien fut présenté la même année lors de l'exposition universelle de Paris. Depuis, la ligne a été complétée par de nombreuses ramifications et par son électrification.
En dépit de la lenteur du train, le temps passe vite à bord. Les kilomètres défilent et les paysages se succèdent. Au lever de la quatrième nuit, le train ralentit et s'arrête une dernière fois. Le panneau avec l'inscription cyrillique d'Irkoutsk apparaît au travers de la fenêtre. C'est l'heure des douloureux "au revoir" mais le voyage continue. On se souhaite bonne chance en espérant se revoir et chacun se disperse dans la foule venue accueillir les siens.

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Le Transsibérien est une superbe aventure et une expérience humaine avant tout. Le fait d'avoir vécu en espace clos pendant ces dizaines d'heures a densifié les relations et a amplifié les émotions, il m'a surtout montré à quel point j'aime le voyage et pourquoi je suis là. Sac sur le dos, les batteries chargées à bloc et le sourire vissé au visage, je repars pour la suite de mon voyage.