paroles du bout du monde

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jeudi 26 juillet 2007

Dans les hutongs de Pékin

Le dernier tronçon de mon expérience transsibérienne me conduit vers Pékin, la capitale grouillante d'un pays en ébullition. Le trajet dure une trentaine d'heures durant lequel je partage mon compartiment avec 3 irlandaises. Je passe beaucoup de temps avec un espagnol avec qui je sympathise et en trente heures, on a le temps de refaire le monde plusieurs fois. Il fait la douloureuse expérience de perdre l'ensemble de ses papiers : passeport, billets, carte bancaire et argent. Je tente de l'aider en baragouinant quelques mots en chinois. Le responsable du wagon-restaurant lui rapportera sa pochette quelques heures plus tard allégée de l'argent. Un grand "ouf" de soulagement et beaucoup d'ennuis évités.
La suite du voyage est rythmé par le passage de frontière mongol avant de s'arrêter plusieurs heures à la frontière chinoise. Le réseau ferré chinois n'a pas le même écartement que le réseau russo-mongol. Chaque wagon est détaché et soulevé à plusieurs mètres du sol par de puissants vérins. De nombreux chinois s'affairent au changement des boggies. Le train est reconstitué et nous nous arrêtons une petite heure dans la gare frontière.

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Nous traversons la Mongolie intérieure qui jouit politiquement d'une certaine autonomie à l'instar du Tibet. Le train fend de vastes steppes vertes avant de s'enfoncer dans une nature beaucoup plus hostile. Une succession de ponts et tunnels précède une nature plus douce aux abords de Pékin.
L'économie en effervescence est visible à tous les coins de rues. Ponts et routes en construction, béton armé des gratte-ciel surplombé d'immenses grues symbolisent l'éveil d'un géant. Dans certains quartiers, l'architecture est démesurée. Des hutongs (signifiant "ruelles" en chinois) disparaissent chaque jour, remplacés par de vilaines tours de verre balayant par la même un petit bout d'âme de Pékin qui s'était forgé au fil des siècles. Ces petites ruelles grouillantes de vie ne correspondent plus aux schémas des hautes sphères chinoises. Le néo-capitaliste chinois en costard-cravate écarte le papy accoudé à son rickshaw, disputant passionnément une partie de dames sur le coin d'une table.
Le parti communiste est le seul parti autorisé dans la "république populaire de Chine". Big brother des temps modernes, il a un oeil sur tout, de la censure dans les médias à l'étude des pensées de Mao dans les écoles, du contrôle de la culture au droit de regard voire d'ingérence dans les sociétés étrangères. Le parti est partout. Quelques exemples parmi tant d'autres : dans les librairies, il est possible de trouver les guides de voyages Lonely Planet pour tous les pays imaginables excepté celui de la Chine. Dans les journaux dont certains sont placardés sous vitrine pour le public, aucune trace de manifestations ou de contestations, sur Internet, certains sites sont inaccessibles, jugés néfastes.
Mais, en entrant dans l'OMC et en s'ouvrant au capitalisme, les prémisses d'un changement, d'une métamorphose voire d'une rupture sont en route, les Mac Donalds et KFC pullulent, le tourisme étranger est en croissance constante, la nébuleuse Internet reste difficile à canaliser et de nombreux jeunes chinois partent étudier à l'étranger découvrant une autre culture et une autre manière de penser.
La Chine prend aux tripes quand on y pose le pied. Je sors de la gare et je rentre dans un autre monde, des sinogrammes lumineux attirent le regard, une chaleur moite et lourde ne décourage pas la multitude de chinois qui déambulent dans les ruelles.

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Prononcer quelques mots en chinois ouvrent de nombreuses portes et éveillent les sourires. J'erre dans ces ruelles tortueuses avant de bifurquer vers une artère me conduisant sur une place chargée de symboles, la place Tiananmen, "la porte de la paix céleste". La plus grande place publique au monde est le refuge du mausolée de Mao.

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Au nord de la place, se dresse la cité interdite qui fut la résidence des empereurs des dynasties Ming et Qing. L'intérieur est grandiose et vaste, de nombreuses constructions aux toits recourbés s'éparpillent dans cet espace autrefois impénétrable.

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Au nord-ouest de la cité, le parc Beihai propose des balades en pédalos sur son lac artificiel ou à pied sur ses rives.

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La découverte continue vers le nord dans un quartier de hutongs. Une colonie de rickshaws offre leur service et la balade dans ce moyen de transport traditionnel vaut le coup d'oeil. Nous atterissons à la tour de la cloche abritant une cloche de 63t et la tour du tambour où un mini-concert de percussions est donné.

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La balade se termine par une retraite d'une petite heure au Yonghegong, la plus grande lamasserie de Pékin au nord-est de la cité interdite.

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Malgré la chaleur moite de Pékin, une multitude de parcs offre une bouffée d'air.

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Au sud de la place Tiananmen, le temple du ciel domine le parc Tiantan. Sa forme circulaire symbolise le ciel tandis que la terre est représentée par le mur carré qui l'entoure. A l'instar de la cité interdite, ce parc est un haut lieu touristique de Pékin.

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Chine quand tu nous tiens.

samedi 30 juin 2007

premiers pas en Mongolie

Dernier billet avant de partir pour les steppes mongoles à pied ou à cheval, j'espère donner des nouvelles d'ici un dizaine de jours, si je trouve un café internet, sinon il faudra attendre mon retour à Oulan Bator prévu le 20 juillet.
En attendant voici mes aventures depuis le départ d'Irkoutsk, aux portes du lac Baïkal.
Les wagons du transmongolien sont identiques à ceux du transsibérien, la seule différence à noter est le personnel de bord, exclusivement mongol. Mon wagon est composé en majeure partie d'occidentaux, dont 4 français avec qui je sympathise, une américaine et un couple tchèque, Michael et Yvita, qui partage mon compartiment. Dans leurs bagages, ils ont apportés quelques poissons fumés pour agrémenter le diner et le compartiment. Michael, sosie de Zizou, a appris le mongol à l'université de Prague et il arrive à communiquer avec le personnel de bord, je suis stupéfait quand j'arrive péniblement à prononcer les mots du guide que j'ai. Le mongol s'avère être une langue très difficile.
Rangée dans la famille des langues altaïques, la langue mongole n'a aucun lien avec les autres langues asiatiques, ni avec le russe dont elle a emprunté l'alphabet pour la transcription. Les particularité et difficulté de cette langue résident dans l'harmonie des voyelles. Comme en latin ou en russe, le mongol contient des déclinaisons en fonction de la position du mot dans la phrase (sujet, COD, génitif...). A cela, s'ajoute l'harmonie des voyelles c'est-à-dire que la voyelle du suffixe de la déclinaison est fonction de la voyelle de la racine du mot. En gros, il faut être né mongol pour parler mongol !
L'aventure se passe bien à bord du train, nous arrivons au passage frontière russe et le train est immobilisé pendant 7 heures. Nous descendons du train, mais la ville n'est pas très intéressante. Elle semble exister parce que le poste frontière est là. De nombreux wagons sont enlevés et la locomotive est changée. Nous remarquons qu'un des wagons contient des barreaux à toutes les fenêtres car il transporte des prisonniers sous haute surveillance.

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Il n'y a plus que trois wagons lorsque le train repart. Et ce dernier est en majeure partie composé de touristes étrangers. Après quelques heures le train s'arrête à nouveau pour le passage de frontière mongol cette fois. L'arrêt est beaucoup moins long et le train repart en fin de soirée.
36 heures après le départ et 2 nuits passées à bord, on arrive à Oulan Bator. Une nuée de propriétaires de guesthouses essaient de nous attirer en secouant des pancartes. Je cherche le représentant du Golden Gobi guesthouse afin de retrouver mes potes hollandais rencontrés dans le transsibérien. Quelques minutes plus tard et après avoir souhaiter bonne chance à ceux avec qui j'ai partagé ces 2 derniers jours, j'arrive à l'auberge.
Je ne connais pas les autres hébergements de la capitale mongole mais celui-là je le conseille. Toutes les commodités pour le voyageur sont là, de l'échange de bouquins au lavage du linge, en passant par l'accès internet et une télé équipée d'un lecteur DVD. Mais ce qui fait l'âme d'une auberge, c'est les gens qui y sont. Quand on arrive, on rentre dans une petite communauté et quelques heures après, on en fait partie. L'ambiance est chaleureuse et décontractée. Ceux en partance pour la Chine ou la Russie croisent et conseillent ceux qui sont encore vierges de souvenirs des steppes mongoles.
Malheureusement mes potes hollandais sont déjà partis pour plusieurs jours vers les grands espaces. Je fais la connaissance d'Haruki, un japonais et le courant passe très vite.

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Il me sert de guide dans Oulan Bator et j'en profite pour acheter ce qu'il me manque pour ma longue marche prévue dans les prochains jours. En fait, on trouve tout ici, sacs de couchage, filtres à eau, GPS, tentes, cartouches de gaz, kayaks et surtout des cartes détaillées au 1/500000 ou 1/100000 parfaites pour organiser sa propre randonnée.
Nous faisons la visite des musées de l'histoire mongole, de la nature et des animaux mongols et le temple principal qui abrite un superbe bouddha doré de 26m de haut. A côté de ces attractions, la ville n'a pas d'intérêt architectural et témoigne de la pauvreté de la Mongolie.

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Personne ne vient ici pour rester dans la capitale mais pour voir ses paysages, ses steppes à perte de vue, ses rivières poissonneuses, ses lacs, et ses dunes.
Le surlendemain de mon arrivée, je me présente à la station de bus Dragon, à l'est de la ville. Pour 15000 tögrögs, j'achète mon billet pour Tsetsereg dans la province de l'Arkanghai. Je fais la connaissance de Marko, finlandais qui partagera ma banquette pendant les 11h qui nous séparent de notre destination.

samedi 23 juin 2007

l'expérience transsibérienne

Il est des voyages qui marquent ceux qui les vivent, il est des voyages qu'on aimerait qu'ils durent et pour lesquels le mot "fin" arrive trop vite, il est des voyages qui vous confortent dans l'envie de découvrir le monde et de rencontrer les gens qui le composent ; le périple en transsibérien est forgé dans cet acier-là. J'écris ces quelques mots pour vous le faire partager et surtout m'y replonger.
77 heures de train, une trentaine d'arrêts d'à peine quelques minutes, 5185 kilomètres parcourus, quelques villes aux sonorités russes telles que Iekaterinbourg, Omsk, Novossibirsk, Krasnoïarsk, Irkoutsk. Tous ces arguments feraient pâle figure sur une brochure touristique et ne feraient pas vraiment rêver le voyageur adepte de lieux exotiques. C'est pourtant bien sur ce train que j'embarque le 18 juin à 23h25, voie 3, wagon 7, couchette n°17.

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Sur le quai, je cherche quelques routards étrangers pour faire un brin de causette, je tombe sur Tom et Mark, 2 cousins hollandais partis pour 10 mois loin du vieux continent. En vérifiant nos billets, on s'aperçoit qu'on est dans le même wagon, voilà une bonne nouvelle. On charge nos sacs sur les épaules et on s'approche de l'entrée de notre wagon. Plusieurs personnes attendent que la contrôleuse autorise l'accès au train. En scrutant les visages, on s'aperçoit que les trois quarts des voyageurs de ce wagon sont européens. A nous trois, il faut ajouter, Henrik et Valérie, frère et soeur hollandais partis s'oxygéner 6 semaines, 2 finlandaises, 2 suédois Gustav et Jonas, Hugh s'éloignant pour quelques mois de son île britannique et Beckie, intrépide anglaise qui après la découverte de l'Asie orientale rentrera par la route de la soie en traversant le Pakistan et l'Iran.
A l'inverse d'un voyage classique en avion ou en train où chacun reste dans son coin à lire, à écouter de la musique ou à dormir, on sait qu'on va passer un bon bout de temps ensemble. La timidité est rangée au fond du sac, et chacun fait connaissance des autres. Pour ma part, j'ai soif de parler après ma semaine silencieuse passée entre Saint-Pétersbourg et Moscou.
Chaque compartiment est composé de 4 couchettes dans ce wagon de 2nde classe. Je partage le mien avec une russe, les 2 couchettes du haut resteront vides tout le trajet. La communication est vite limitée puisqu'elle ne parle ni anglais, ni français et que je ne parle pas russe. Je passe beaucoup de temps avec mes nouveaux compagnons et les sujets de discussion ne manquent pas. On refait l'Europe et le monde, on compare nos différentes coutumes et nos itinéraires, on expose nos différentes expériences de voyage, on discute de beaucoup de sujets comme si on était de vieux amis et on se prend quelques bons fou rire.
On compte les heures qui nous séparent du prochain arrêt en répétant sans cesse à Nathalia, notre reponsable de wagon : "zdyess Irkoutsk?" ( "ça y est, on arrive à Irkoutsk ?" ). Elle répond invariablement "Nyet". Sur le quai, des vendeurs ambulants s'agitent à notre descente du train. Ils nous proposent des plats préparés, des fruits, des sucreries et la concurrence est rude entre eux. Quelques échoppes complètent le tableau de la gare avec un choix plus étoffé d'aliments, nouilles chinoises instantanées, chocolat, yaourts, gateaux secs. Les nouilles remportent un franc succès et constitue le repas de base de notre voyage.

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Hormis se laver car il n'y a pas de douches dans les wagons, on "vit" dans le transsibérien et il serait dommage de s'en priver quand on sait qu'on peut embarquer pour 7 jours (149h) dans ce type de train afin de relier Moscou à Vladivostok sur les berges de la mer du Japon. Avec ses 9289km, voici la plus longue voie ferrée du monde.
Sa naissance remonte à 1891 lorsque Alexandre III approuva l'idée d'une ligne transsibérienne permettant de désenclaver un certain nombre de régions et relier le lointain orient à l'occident. Les travaux furent découpés en 7 secteurs et commencèrent simultanément. En échange de travaux colossaux, les premières liaisons furent mises en service en 1900. Le transsibérien fut présenté la même année lors de l'exposition universelle de Paris. Depuis, la ligne a été complétée par de nombreuses ramifications et par son électrification.
En dépit de la lenteur du train, le temps passe vite à bord. Les kilomètres défilent et les paysages se succèdent. Au lever de la quatrième nuit, le train ralentit et s'arrête une dernière fois. Le panneau avec l'inscription cyrillique d'Irkoutsk apparaît au travers de la fenêtre. C'est l'heure des douloureux "au revoir" mais le voyage continue. On se souhaite bonne chance en espérant se revoir et chacun se disperse dans la foule venue accueillir les siens.

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Le Transsibérien est une superbe aventure et une expérience humaine avant tout. Le fait d'avoir vécu en espace clos pendant ces dizaines d'heures a densifié les relations et a amplifié les émotions, il m'a surtout montré à quel point j'aime le voyage et pourquoi je suis là. Sac sur le dos, les batteries chargées à bloc et le sourire vissé au visage, je repars pour la suite de mon voyage.