Au petit matin je quitte Fairfield Guesthouse pour me rendre sur la place du marché qui est également le point de départ vers le lac blanc (Terhyin tsaagan nuur) à environ 150km à l'ouest. L'activité principale du marché est la vente de peaux et de laine de mouton. Au milieu de cette activité lucrative, j'aborde un mongol en lui disant "Tariat" (nom du village le plus proche du lac), ce dernier m'accompagne vers un chauffeur qui part pour cette destination mais qu'à 18h. Je fais finalement affaire avec le suivant qui part à 13h. Il n'est pas vraiment spécialisé dans le transport de personnes mais plutôt dans les déménagements , mais pour 10€ la course, Il me réserve sa meilleure place. On essaie d'engager la conversation et je lui fais part de mon souhait d'acheter un cheval. La nouvelle semble vite se répandre quand un mongol m'accoste et me tend un téléphone. A l'autre bout du fil, il s'agit de Tunga, seul professeur d'anglais de la province. Elle possède un camp de yourtes près du lac et peut m'aider à trouver un cheval. Voilà qui s'appelle avoir de la chance. Rendez-vous est pris le soir à Tariat.
Lorsque le minivan 4x4 est plein, on quitte Tsetserleg. L'allure est soutenue et les seuls arrêts sont mis à profit pour rajouter de l'eau dans le radiateur ou pour se recuellir près d'un arbre étrangement décoré. En respect des croyances chamanistes, on fait trois fois le tour de l'arbre, puis le temps est au partage d'une bouteille d'airag, lait de jument fermentée. Sans oublier l'offrande des dernières gouttes pour l'arbre sacré.

IMG_1053.JPG
IMG_1069.JPG
IMG_1075.JPG
IMG_1040.JPG
IMG_1080.JPG
IMG_1091.JPG
IMG_1104.JPG
En fin d'après-midi, après avoir livré les différents meubles, nous arrivons à Tariat. Tunga m'accueille chaleureusement et m'héberge pour la nuit. Son camp de yourtes qui se nomme white lake guesthouse se trouve à 12km du village et on ne s'y rendra que le lendemain matin.
Le lendemain matin, accompagnés de son mari et de sa fille nous partons pour le lac. Son mari est un mongol hors du commun puisque son antipathie n'a d'égal que l'absence d'expressions positives et joviales de son visage. Tunga fait l'interprète et sur le chemin nous abordons le sujet de l'achat du cheval. Son mari reste inflexible sur le prix qu'il a fixé à 400000 Tögrögs (260€), sachant que le prix moyen se situe entre 2000000 à 250000 T. il me vante les mérites de ces chevaux, à l'écouter, il élève les meilleurs chevaux de Mongolie, et chacun d'entre eux pourrait remporter le grand prix d'Amérique ! Arrivé au camp, j'en profite pour me plonger dans le livre d'Emile Brager "techniques du voyage à cheval" qui dispense de précieux conseils. Mais, il faut se rendre à l'évidence, ce n'est pas après quelques pages feuilletées qu'on peut se proclamer spécialiste chevalin. Je procède à quelques essais et rétorque que le prix est toujours trop élevé. Il m'amène un cheval d'une yourte voisine, moins cher mais semble-t-il moins docile. En parallèle, je teste le reste mon matériel, du réchaud au filtre à eau. Je passe pas mal de temps à cogiter sur l'achat de ce cheval, et malgré son prix, je me décide à le prendre et je compte commencer mon périple le lendemain.

IMG_1149.JPG
Mais le lendemain, Les chevaux de monsieur ne sont plus à vendre, il ne veut plus rien savoir. Il dit être attaché à ces chevaux. C'est à espérer qu'il ait plus de sympathie avec les animaux qu'avec ses semblables humains. Agacé par ce revirement de situation, j'achète finalement le cheval de la yourte voisine qui m'avait moyennement convaincu la veille. Le propriétaire arrime solidement mon sac à dos sur le dos du cheval et je déguerpis au plus vite pour chasser l'agacement qui m'habite.

IMG_1132.JPG
IMG_1133.JPG
IMG_1135.JPG
IMG_1163.JPG
IMG_1174.JPG
Mon plan est de longer la rive sud du lac puis de marcher vers le nord jusqu'à un petit village, Jagarlant, puis de suivre l'Ider Gol, rivière qui forme un arc jusqu'à Möron, chef-lieu de la province du Khövsgöl. Je me mets petit à petit en jambe, et mes idées noires matinales commencent à se disperser. Au fur et à mesure de mes pas, j'apprends à connaître mon nouveau compagnon que je tiens au bout d'une corde. Je me retourne souvent, je capte les différents signes extérieurs de son comportement et tente de les analyser. Se balader à côté de cet animal massif procure une sensation particulière.
J'avance sur les larges langues vertes qui dessinent le contour du lac lorsque j'entends un craquement. Je me retourne brusquement, le cheval s'agite et je vois mon sac tomber de son dos, la sangle a cassé. Je ne peux retenir la puissance de l'animal et lâche la longe. Impuissamment, j'assiste à la scène. Le cheval accèlere, appeuré par cette charge qu'il traîne. Mais après plusieurs mètres, le lien qui unissait mon sac au cheval se rompt à nouveau et le cheval s'éloigne. Une large entaille dans le sac poussiéreux témoigne de cet incident. Je charge ce dernier sur mes épaules et part récupérer mon cheval dans le sens opposé de ma marche. Mais impossible d'approcher l'animal. Deux jeunes mongoles réussissent à s'emparer de l'animal et me le ramène. Mon sentiment est confus à ce moment, il est hors de question de recharger le sac sur le dos du cheval et je n'avais pas prévu l'option de porter le sac. Je n'ai fait aucun tri, ce qui fait 25kg sur les épaules. Cependant, je n'ai pas d'autre option que de le porter et me remettre de cet évènement.
Un peu plus loin, j'attache le cheval autour d'un poteau électrique et lorsque je décharge mon sac de mes épaules, d'un violent mouvement arrière, le cheval se libère à nouveau. Un papy mongol le capture et me tend la corde à une centaine de mètres de là. C'en est trop pour aujourd'hui, je pense faire marche arrière et rendre le cheval à son propriétaire. Je décide finalement de m'installer dans les hauteurs du lac près d'un bois.
J'attache le cheval autour d'un arbre avec une corde plus solide cette fois et installe ma tente à quelques mètres de là. J'ai un gros coup de blues, j'ai envie de libérer le cheval prendre un transport en commun et m'éloigner de ce maudit lieu.
Le lendemain, la nuit a porté conseil, je décide de rester toute la journée dans ce lieu, pour me réconforter moralement et tenter d'apprivoiser l'animal. Je chasse les pensées négatives et le blues de la veille. Les règles du jeu ont changé et je dois désormais porter le sac mais demain je partirai vers le nord avec mon compagnon capricieux.

IMG_1195.JPG
IMG_1208.JPG
IMG_1215.JPG

Pour lire la suite du récit, cliquez ici ...